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Revue de presse - 14/03/2023

Immobilier : trois ans après le confinement, le logement post-Covid peine à sortir de terre

Au lendemain du premier confinement du printemps 2020, les professionnels de la fabrique de la ville se sont engagés à construire une cité post-Covid avec des logements plus grands, plus lumineux, avec davantage d'espaces extérieurs et de lieux partagés. Trois ans après, la promesse devient difficilement tenable. Si le dispositif Pinel+ agrandit la taille des logements, et si des promoteurs lancent des habitats « prêts à vivre », la crise est réelle en Île-de-France et sur le littoral. Les décideurs privés ne manquent pas de créativité en matière fiscale et financière pour inverser la tendance.

" La vie moderne dans son cadre de béton, de bitume et de néon créera de plus en plus chez tous un besoin d'évasion, de nature et de beauté ". Lorsque le président Pompidou écrit, le 17 juillet 1970, à son Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, pour regretter l'abattage des arbres le long des routes, il est loin de se douter que cinquante ans plus tard, en mars 2020, les Franciliens et métropolitains aisés quitteraient leur appartement de centre-ville pour rejoindre leur résidence secondaire.

C'était déjà il y a trois ans quasi jour pour jour. Au lendemain du premier tour des élections municipales, le chef de l'Etat prononce sa deuxième " adresse aux Français " en moins d'une semaine et leur martèle : " Nous sommes en guerre [...] Restez chez vous ". Tant est si bien qu'à la sortie du premier confinement national, qui durera près de deux mois, les professionnels de la fabrique de la ville s'engagent à construire des cités post-Covid avec des logements plus grands, plus lumineux, avec plus d'espaces extérieurs et davantage de lieux partagés.


" Les Français veulent mieux vivre, tout en donnant une perspective plus rassurante et joyeuse à leurs enfants. Ils souhaitent faire moins de trajets et avoir plus d'espace, vivre à proximité des services, des écoles, de leur travail et veulent télétravailler ", résume Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes.

" [Cela se traduit] par le co-voiturage, le co-living où l'on partage le salon, les espaces et affaires de bricolage, de lavage, de stockage, les jardins. Les cours des écoles et des bâtiments publics s'ouvrent les week-ends pour devenir des squares de quartier. Et puis, comme le besoin de sociabilité est fort, les espaces de coworking s'installent à proximité des domiciles. La création des tiers-lieux se généralise, permettant la multiplication des services dans un seul espace " ajoute-t-elle.


Une promesse difficilement tenable


Sauf que, treize mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine et ses conséquences énergétiques et financières en cascade sur l'économie du quotidien, cette promesse devient difficilement tenable. " Nous pouvons évidemment mettre plus de surfaces, plus d'espaces extérieurs, plus de lieux communs, mais du fait de la réalité économique, il n'est pas sûr que nous puissions réaliser les rêves de tout le monde ", reconnaît, de manière surprenante, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).


" Tout le monde veut un toit ouvrant et des sièges en cuir dans sa voiture, mais dans la vraie vie, personne ne prend toutes ces options. Nous aimerions bien offrir une pièce en plus de 15 m², mais à 4.600 euros en moyenne, cela revient à 69.000 euros supplémentaires... ", poursuit Pascal Boulanger.

Et ce, sachant que les derniers chiffres publiés par les professionnels du logement neuf ne sont pas bons. L'an dernier, les ventes aux propriétaires occupants ont baissé de 13,4%, tandis que celles aux investisseurs particuliers ont dégringolé de 26% par rapport à 2021. La faute à l'inflation et à la remontée des taux d'intérêt qui grippent les banquiers et l'octroi de crédits immobiliers. Et ce, alors que les autorisations annuelles de logements collectifs ont bondi de 11,6%, comparé à l'année précédente.


" Avec la mise en oeuvre, au 1er janvier 2022, de la réglementation environnementale RE2020, les dépôts des permis de construire ont connu un effet accélérateur, par ailleurs accentué par les contrats locaux de relance privilégiant les opérations denses en zones tendues. Ces deux effets vont disparaître courant 2023, aboutissant à une baisse du nombre des autorisations ", avertit la Fédération des promoteurs immobiliers.


Un Pinel+ qui agrandit la taille des logements


Cette dernière fait sans doute référence à l'avantage fiscal Pinel+, du nom de la ministre qui l'a porté en 2015, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Les investisseurs voulant bénéficier de cette baisse d'impôt dans le parc locatif privé n'auront plus seulement à louer leur bien a minima six ans et à respecter un plafond de loyer.


Ils doivent aussi acquérir un appartement qui obéit à un strict cahier des charges. En l'occurrence, celui de l'aménageur Laurent Girometti et de l'architecte François Leclercq, repris fin 2021 par l'ex-ministre Emmanuelle Wargon. Celui-ci impose des critères écologiques, des surfaces intérieures et extérieures et une orientation.


Ainsi, pour être éligible à cette exonération, un studio doit mesurer 28 m² et compter 3m² dehors. Pour un T2, il faut compter 45 m² avec 3 m² d'extérieur. Quant au T3, il doit mesurer 62 m² avec 5 m² (un T4 79 m², avec 7 m² et un T5 96 m², avec 9 m²).


" Les toitures, c'est le foncier de demain "


Les T3, et plus, comporteront même deux orientations différentes. " En 2021, j'ai invité François Leclercq au Salon d'immobilier d'entreprise (Simi). Tous les promoteurs lui faisaient la tête ", se remémore Cédric de Lestrange, directeur général d'Axe Immobilier. " Nous, nous appliquons son rapport sur la qualité du logement, car tout est dedans ! ", enchaîne-t-il.


" Les premiers logements confectionnés après le confinement commencent tout juste à sortir de terre. Les gens privilégient 3 m² de plus à l'extérieur qu'à l'intérieur ", confirme Olivier Bokobza, le président des activités de promotion de BNP Paribas Real Estate, qui transforme aussi toutes ses toitures en terrasse, " pour que les habitants de l'immeuble puissent recevoir dans de bonnes conditions ".


" Les toitures, c'est le foncier de demain. Elles offrent l'accès à une vue, à un paysage, voire même à un cheminement entre les bâtis en plus de la voirie ", appuie David Habrias, directeur général du groupe Kardham chargé de l'architecture et associé fondateur. 

 

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